16099 shaares
« J'avais du mal à comprendre la défiance des gens vis à vis de BFM. Je suis journaliste et diplômée d'une école. J'ai donc décidé de regarder exclusivement BFM pendant trois jours. La suite va vous étonner. (thread).
Premier jour de mon long calvaire : surlendemain de la manif du 1er décembre. On apprend que plusieurs personnes sont blessées par des tirs de lacrymo. Une personne est décédée (Marseille) une autre a perdu sa main Pendant ce temps BFM passe en boucle un reportage sur les CRS agressés par "les manifestants". Oui ... Les manifestants. Aucune personne ne parle des blessés, ni des conditions de travail desdits CRS (qui ont bossé plus de 20H. Ce sera le seul reportage de la journée.
Pas un mot sur les gens dans les blocages, leurs revendications etc. Mais un expert business explique aux commercants des champs élysées comment se faire rembourser des dégats. L'animateur - qui devrait brûler se carte de presse - se lamente sur "les pauvres commercants. (On parle quand même de multinationales dont la moitié payent pas leurs impôts en France, on est sur les champs élysées je rappelle c'est pas des patrons de PME). Le mec censé être journaliste continue sa litanie sur "les touristes qui vont avoir une mauvaise image de la France.
Donc les gilets jaunes racontent qu'ils galèrent à bouffer le soir et BFM est en boucle sur les Qataris qui pourront pas acheter des sac channel. Je suis journaliste, payée au smic. Je comprends pas tellement la logique de ce confrère.
Je rappelle qu'un journaliste ne doit pas donner son opinion mais interroger des gens. Je suis sceptique quant à la démarche de BFM, voire j'ai envie de brûler ma télé. En plateau un gilet jaune - enfin. Ils ont trouvé le seul GJ macroniste (il a voté macron et compte le refaire) Blanquer est sur le plateau- s'en suit 40 minutes de non verification des faits total - on explique que la France est "en pointe pour faire payer les impôts aux Gafa - sans que personne intervienne. C'est pas de l'info, c'est un espace politique.
Le gilet jaune appelle les lycéens à ne plus bloquer les lycées et à se calmer, Blanquer approuve. Le gilet jaune appelle à ne pas manifester le samedi qui suit. On se demande encore si c'est une chaine d'info.
Le reste de la semaine, c'est pareil et en pire. On répète en boucle "qu'il y aura des morts", je savais pas que les journalistes étaient des prophètes. Une journaliste dit "les manifestants passent à l'offensive avec du sérum physiologique". Je savais pas que de l'eau pouvait servir d'arme de guerre. Tout ce que j'ai appris à l'école (bien vérifier ses sources, ne jamais émettre de jugement de valeur ni d'avis personnel, bien vérifier à l'équilibre des paroles) n'est pas appliqué par BFM. Et pire que ça - 80 % du temps d'antenne est réservé aux "experts" et autre éditorialistes. Ils ne sont jamais contredits et sont majoritairement libéraux, en accord avec la politique gouvernementale. Là aussi, c'est loin d'être du journalisme.
Je vais pas vous faire toute la semaine sur BFM - juste aucune image des lycéens arrêtés à Mantes-la-jolie, toujours rien sur les blessés, rien sur l'enquête contre Ruffin, rien sur les rassemblements festifs. Alors que 80% du temps d'antenne c'est meubler sur du vide.
Samedi je vais manifester : marche pacifique, sans heurt (avec le cortège antiraciste) et bon enfant. Les scènes de danse ne sont pas reprise par BFM, à la place on voit non stop, les champs élysées qui brûlent. Le mot "casseur" est prononcé 145 fois. Partout en France, des images de gens qui défilent - pacifiquement. Pour la première fois, les gilets jaunes et écolos convergent. Une image super forte puisque le mouvement des gilets jaunes part d'une ""grogne"" contre une taxe ""écolo"". Mais ça, BFM s'en fout. Ca fait pas du chiffre. Savoir que 175.000 personnes marchent ensemble, que les morts annoncés ne sont que fiction et que 80% de la France est calme. Ils sont en boucle sur Paris et les casseurs, de manière à croire que la mobilisation se résume à ça.
Le retour des experts qui clament que "c'est un gros succès pour le gouvernement" et que "1300 arrestations c'est bien". Donc on ne parle pas de du côté pacifique mais surtout on loue le fait que des gens aient été arrêtés, parfois parce qu'ils avaient des lunettes de piscine.
Personne ne s'interrogera sur la légitimité des arrestations pour BFM, c'est normal (je rappelle qu'ils se prétendent journaliste). Aucun avocat, rien. Juste des gens qui se félicitent de l'action gouvernementale.
Je m'arrête là, incrédule et vraiment en colère. En colère parce que ça me heurte de voir qu'on fait la part belle à des éditorialistes, dont le seul travail est d'exposer un avis basé sur du vent, sans avoir parlé avec la moindre personne au smic depuis 1992. j'en peux plus de ce mépris de classe suintant, de la part d'une infime partie de notre profession. J'en peux plus de voir un fossé se créer entre les citoyens et les journalistes parce qu'il y a une dizaine d'abrutis qui déshonorent notre profession.
Parce qu'une partie des journalistes trouvent ça plus "noble" d'aller diner avec Edouard Philippe et de faire un direct devant l'Elysée, plutôt que de sortir de Paris pour faire un reportage.
Chaque année, 60% d'une promotion sort de sciences-po, que les gens issus de la diversité, après un long parcours du combattant pour arriver à être diplômé, se retrouvent dans un monde du travail où le carnet d'adresse et les habitus sociaux comptent plus que bosser correctement
Je comprends, au vu de BFM, que les gens nous méprisent. Mais j'ai envie de leur dire : nous journaliste, on est aussi des damnés, prêts à bosser trois semaines sur une enquête pour toucher 100 euros, prêts à faire des journées de douze heures d'affilées à copier-coller des depêches de 5 heures du matin à 14 heures, à accepter de renoncer à tous nos droits élémentaires, a être payés moins que le smic horaire. Mais tant que des "experts" et autres éditorialistes, feront autant de mal à notre profession, ce sera très compliqué de renouer ce dialogue là avec le reste de la population. Je vous laisse avec trois trucs entendus sur BFM.
Des CRS qui chargent des manifestants (non armés) à cheval. Et des gens en plateau (les mecs de BFM ont jamais vu un terrain de leur vie) qui s'extasient "c'est beau".
Un gilet jaune qui explique qu'il trouve ça scandaleux que l'Etat brade au privé les aéroports et les barrages. Un expert lui répond "de toute façon vous êtes pas un vrai gilet jaune, vous parlez trop bien pour être un gilet jaune. »
Premier jour de mon long calvaire : surlendemain de la manif du 1er décembre. On apprend que plusieurs personnes sont blessées par des tirs de lacrymo. Une personne est décédée (Marseille) une autre a perdu sa main Pendant ce temps BFM passe en boucle un reportage sur les CRS agressés par "les manifestants". Oui ... Les manifestants. Aucune personne ne parle des blessés, ni des conditions de travail desdits CRS (qui ont bossé plus de 20H. Ce sera le seul reportage de la journée.
Pas un mot sur les gens dans les blocages, leurs revendications etc. Mais un expert business explique aux commercants des champs élysées comment se faire rembourser des dégats. L'animateur - qui devrait brûler se carte de presse - se lamente sur "les pauvres commercants. (On parle quand même de multinationales dont la moitié payent pas leurs impôts en France, on est sur les champs élysées je rappelle c'est pas des patrons de PME). Le mec censé être journaliste continue sa litanie sur "les touristes qui vont avoir une mauvaise image de la France.
Donc les gilets jaunes racontent qu'ils galèrent à bouffer le soir et BFM est en boucle sur les Qataris qui pourront pas acheter des sac channel. Je suis journaliste, payée au smic. Je comprends pas tellement la logique de ce confrère.
Je rappelle qu'un journaliste ne doit pas donner son opinion mais interroger des gens. Je suis sceptique quant à la démarche de BFM, voire j'ai envie de brûler ma télé. En plateau un gilet jaune - enfin. Ils ont trouvé le seul GJ macroniste (il a voté macron et compte le refaire) Blanquer est sur le plateau- s'en suit 40 minutes de non verification des faits total - on explique que la France est "en pointe pour faire payer les impôts aux Gafa - sans que personne intervienne. C'est pas de l'info, c'est un espace politique.
Le gilet jaune appelle les lycéens à ne plus bloquer les lycées et à se calmer, Blanquer approuve. Le gilet jaune appelle à ne pas manifester le samedi qui suit. On se demande encore si c'est une chaine d'info.
Le reste de la semaine, c'est pareil et en pire. On répète en boucle "qu'il y aura des morts", je savais pas que les journalistes étaient des prophètes. Une journaliste dit "les manifestants passent à l'offensive avec du sérum physiologique". Je savais pas que de l'eau pouvait servir d'arme de guerre. Tout ce que j'ai appris à l'école (bien vérifier ses sources, ne jamais émettre de jugement de valeur ni d'avis personnel, bien vérifier à l'équilibre des paroles) n'est pas appliqué par BFM. Et pire que ça - 80 % du temps d'antenne est réservé aux "experts" et autre éditorialistes. Ils ne sont jamais contredits et sont majoritairement libéraux, en accord avec la politique gouvernementale. Là aussi, c'est loin d'être du journalisme.
Je vais pas vous faire toute la semaine sur BFM - juste aucune image des lycéens arrêtés à Mantes-la-jolie, toujours rien sur les blessés, rien sur l'enquête contre Ruffin, rien sur les rassemblements festifs. Alors que 80% du temps d'antenne c'est meubler sur du vide.
Samedi je vais manifester : marche pacifique, sans heurt (avec le cortège antiraciste) et bon enfant. Les scènes de danse ne sont pas reprise par BFM, à la place on voit non stop, les champs élysées qui brûlent. Le mot "casseur" est prononcé 145 fois. Partout en France, des images de gens qui défilent - pacifiquement. Pour la première fois, les gilets jaunes et écolos convergent. Une image super forte puisque le mouvement des gilets jaunes part d'une ""grogne"" contre une taxe ""écolo"". Mais ça, BFM s'en fout. Ca fait pas du chiffre. Savoir que 175.000 personnes marchent ensemble, que les morts annoncés ne sont que fiction et que 80% de la France est calme. Ils sont en boucle sur Paris et les casseurs, de manière à croire que la mobilisation se résume à ça.
Le retour des experts qui clament que "c'est un gros succès pour le gouvernement" et que "1300 arrestations c'est bien". Donc on ne parle pas de du côté pacifique mais surtout on loue le fait que des gens aient été arrêtés, parfois parce qu'ils avaient des lunettes de piscine.
Personne ne s'interrogera sur la légitimité des arrestations pour BFM, c'est normal (je rappelle qu'ils se prétendent journaliste). Aucun avocat, rien. Juste des gens qui se félicitent de l'action gouvernementale.
Je m'arrête là, incrédule et vraiment en colère. En colère parce que ça me heurte de voir qu'on fait la part belle à des éditorialistes, dont le seul travail est d'exposer un avis basé sur du vent, sans avoir parlé avec la moindre personne au smic depuis 1992. j'en peux plus de ce mépris de classe suintant, de la part d'une infime partie de notre profession. J'en peux plus de voir un fossé se créer entre les citoyens et les journalistes parce qu'il y a une dizaine d'abrutis qui déshonorent notre profession.
Parce qu'une partie des journalistes trouvent ça plus "noble" d'aller diner avec Edouard Philippe et de faire un direct devant l'Elysée, plutôt que de sortir de Paris pour faire un reportage.
Chaque année, 60% d'une promotion sort de sciences-po, que les gens issus de la diversité, après un long parcours du combattant pour arriver à être diplômé, se retrouvent dans un monde du travail où le carnet d'adresse et les habitus sociaux comptent plus que bosser correctement
Je comprends, au vu de BFM, que les gens nous méprisent. Mais j'ai envie de leur dire : nous journaliste, on est aussi des damnés, prêts à bosser trois semaines sur une enquête pour toucher 100 euros, prêts à faire des journées de douze heures d'affilées à copier-coller des depêches de 5 heures du matin à 14 heures, à accepter de renoncer à tous nos droits élémentaires, a être payés moins que le smic horaire. Mais tant que des "experts" et autres éditorialistes, feront autant de mal à notre profession, ce sera très compliqué de renouer ce dialogue là avec le reste de la population. Je vous laisse avec trois trucs entendus sur BFM.
Des CRS qui chargent des manifestants (non armés) à cheval. Et des gens en plateau (les mecs de BFM ont jamais vu un terrain de leur vie) qui s'extasient "c'est beau".
Un gilet jaune qui explique qu'il trouve ça scandaleux que l'Etat brade au privé les aéroports et les barrages. Un expert lui répond "de toute façon vous êtes pas un vrai gilet jaune, vous parlez trop bien pour être un gilet jaune. »
M'étonne pas tant que ça en fait vu le succès de jeux comme Euro Truck Simulator
De côté pour plus tard
« Hmm, je voulais juste poster deux trois trucs sur les gilets jaunes et tout, j'imagine ça sera sans doute des redites de truc déjà postés, je passe plus très souvent ici à part checker les news vite fait. Mais les jours où j'ai pas le cerveau en bouillie je me pose des questions.
Et je sais pas moi ce qui se passe ça me met plein de doute sur la révolution, l'anarchisme, le communisme, pas que je doute du bien fondé de tout ça mais plutôt j'ai l'impression qu'on est dans une impasse sur comment y arriver.
En fait, c'est malheureusement normal que les gilets jaunes ce soit un mouvement globalement raciste, et patriarcal (soit misogyne et lgbtiphobe), parce que c'est un mouvement de masse et que la population est majoritairement blanche et patriarcale. Donc je sais pas comment d'un point de vue à la fois révolutionnaire, anti-autoritaire, anti-patriarcal et antiraciste, on peut arriver à concilier tout ça.
J'ai l'impression qu'il y a plusieurs points de vue face à ces contradictions dans l'extrême gauche classique, qui elle aussi est rongée par le racisme, l'autoritarisme et le patriarcat, bien qu'elle s'en défende. Qq part entre "notre" camp et le camp d'une majorité moins ou peu politisée y a souvent qu'une différence de degrés, pas de nature dans l'oppression. Et encore, quand je dis de "degré", bon on se comprend, desfois même pas tant que ça... Donc de ce que j'ai compris en regardant un peu la TL y a plusieurs positions face à tout ça. Bon y a la position insurectionnelle bebête type Hazan-Lordon-Lundiam and co. Ces gens là se contrefichent des minorités, et je pense même qu'ils se contrefichent de la révolution dans le sens d'un devenir commun sur des bases plus progressistes parce que c'est plus le changement de pouvoir quel qu'il soit qui les intéresse.
C'est pas les élites académiques et insurrectionnelles qui seront les plus touchés par des dérives autoritaristes quelles que soit le bord vers lequel ça penchera, si ce mouvement aboutit à quelque chose. Bon en plus globalement dans cette mouvance, toute blessure ou mort pouvant servir à attiser le feu insurectionnell est limite une bonne chose, y a vraiment des tendances au sein de l'EG qui s'en battent les steaks des vies perdues ou mutilées et franchement ça en dit beaucoup sur le futur qu'ils et elles souhaitent construire...
Je pense quelque part on est tou-tes tombé-es dans le piège insurrectionnel avec le riot porn et les différents mouvements insurrectionnels qui ont précédé et qui ont certainement servi de déclencheur à celui qu'il y a maintenant et peut-être ceux qui viendront. Parce que quelque part on est plus calé-es sur le déroulé d'une manif, les gestes de survie, la résistance face aux flics, que sur tout le reste qui manque cruellement à ce mouvement, mais aussi dans une moindre mesure à nos mouvements, genre la démocratie interne.
Parce que ok, on a des pratiques globalement plus démocratiques que le reste du spectre politique mais c'est pas du tout satisfaisant en vrai. Combien d'abus, de prise de pouvoir, de dynamiques de groupe, raciste, patriarcale, etc. En vrai on pallie aux urgences et on ferme bien sagement les yeux sur tellement de choses. C'est pas étonnant quelque part aussi que le mouvement des gilets jaunes se soit d'abord constitué à l'encontre de toutes formes d'organisation politique, y compris syndicales, y compris d'extrême gauche, y compris libertaires.
Y a certes un rejet qui vient du peu de formation politique mais je pense pas qu'il y ait que ça. Combien de personnes ont pu côtoyer des organisations politiques, autonomes ou syndicales et être dégoutées des pratiques rencontrées derrière les grandes aspirations, derrière la fausse bienveillance, derrière des pratiques démocratiques qui cachent mal la mise en avant de telle ou telle autre personnalité qui a un capital et une aisance sociale plus développée et qui mène à des pratiques autoritaires, de tel groupe affinitaire dont les connivences entrainent des mises à l'écarts racistes, homophobes, misogyne, des silences sur les viols et sur des maltraitances diverses, etc...
Aussi, y a une telle propension dans nos groupes à se tirer dans les pattes et à se croire les meilleur-es face à la *concurrence*, forcément risible, débile, en-dessus de tt, alors qu'on est même pas capables de regarder en face ttes les fautes qu'on commet, ni de s'en excuser.
Comment on peut ne pas être dégouté-es de tout ça quelque part? Je dis pas ça pour que celles et ceux qui en ont encore la force arrêtent de lutter, mais voilà faut ptêt se rendre à la réalité qu'il y a pas de groupes politiques, même anti-autoritaire, antiraciste, antipatriarcal qui puisse vraiment se targuer d'être au dessus de tout, ou de valoir mieux que les gilets jaunes dans leur ensemble. Fin ça me semble plus compliqué que ça. Plus désespérant aussi, sans doute. Donc comment on fait la révolution avec tout ça sur les bras, tous ces passifs?
Y a les groupes qui veulent guider les gilets jaunes vers de meilleures pratiques, mais finalement je trouve ça un peu présompteux quelque part, fin la position des sachant politiques guidant le peuple ignare, c'est gênant quand même.
Le moindre mal sans doute pour le moment c'est pour les minorités de se réapproprier le mouvement et de constituer des fronts anti-autoritaires, antiracistes, antipatriarcal, un peu comme ce qui a été fait avec la convergence du collectif vérité pour Adama et les cheminots?
ça permet d'exister et de faire valoir des revendications sans courir après un mouvement qui en l'état ne peut pas être sur les mêmes bases que notre groupe au sens assez large. Mais je pense pas qu'on puisse faire grand chose de plus face à une majorité qui nous trahira. Elle nous trahira parce qu'on passe notre temps à le faire entre nous de toutes façons. Je pense les autres trucs importants qui ont été fait c'est d'y aller quand même pour celleux qui ont le courage, pour protéger les minorités qui se font agresser pendant le mouvement, je pense c'est super important qu'il yait des gens qui soient là dans ces moments là. Faut y être pour virer l'ED, et aussi pour soigner les blessé-es. Et ptêt convaincre des gens aussi du bien fondé de nos luttes, même si en vrai elles sont dans un sale état et je sais pas vous, mais je trouve c'est ptêt un peu trop tard pour convaincre, ce genre de moments? Donc voilà comment on peut préparer / lancer une révolution qui soit libertaire, antiraciste et antipatriarcale, comment les minorités peuvent remporter la lutte de toutes les classes sans créer de nouvelles élites et de nouvelles bourgeoisies, quand on est pas fichus de le faire exister dans nos groupes et quand de toutes façons les stuctures sociales font qu'on restera toujours minoritaires?? Y avait quelqu'un qui citait Gramsci y a pas longtemps et je trouvais ça super intéressant et frustrant parce que je pense quand il parlait d'hégémonie culturelle des classes dominantes, il remettait pas en cause celle de l'état et celle du pouvoir.
Alors que évidemment pour un anarchiste comme moi le souci, il est là. On est complètement englués dans la course à des tas de formes de pouvoir, sur twitter, au travail, dans les cercles amicaux politiques, qui font que c'est dur de s'organiser sur un pied d'égalité. Et c'est dur de convaincre de renoncer à cela quand on y renonce pas ds nos pratiques.
Après y a la dernière solution, aller se faire sa propre ZAD avec des potes dans un coin de région paumée, en vrai ça peut marcher mais ça fait pas trop avancer la collectivité, à part d'un point de vue expérimental ptêt.
Bon j'ai bavassé n'importe quoi désolé, je suis en boucle là-dessus depuis tout ce temps dtf, j'ai sans doute dit des choses que tout le monde sait déjà mais y a que moi qui bloque parce que je suis bête. Faites attention à vous demain, et prenez soin des gens autour de vous. »
Et je sais pas moi ce qui se passe ça me met plein de doute sur la révolution, l'anarchisme, le communisme, pas que je doute du bien fondé de tout ça mais plutôt j'ai l'impression qu'on est dans une impasse sur comment y arriver.
En fait, c'est malheureusement normal que les gilets jaunes ce soit un mouvement globalement raciste, et patriarcal (soit misogyne et lgbtiphobe), parce que c'est un mouvement de masse et que la population est majoritairement blanche et patriarcale. Donc je sais pas comment d'un point de vue à la fois révolutionnaire, anti-autoritaire, anti-patriarcal et antiraciste, on peut arriver à concilier tout ça.
J'ai l'impression qu'il y a plusieurs points de vue face à ces contradictions dans l'extrême gauche classique, qui elle aussi est rongée par le racisme, l'autoritarisme et le patriarcat, bien qu'elle s'en défende. Qq part entre "notre" camp et le camp d'une majorité moins ou peu politisée y a souvent qu'une différence de degrés, pas de nature dans l'oppression. Et encore, quand je dis de "degré", bon on se comprend, desfois même pas tant que ça... Donc de ce que j'ai compris en regardant un peu la TL y a plusieurs positions face à tout ça. Bon y a la position insurectionnelle bebête type Hazan-Lordon-Lundiam and co. Ces gens là se contrefichent des minorités, et je pense même qu'ils se contrefichent de la révolution dans le sens d'un devenir commun sur des bases plus progressistes parce que c'est plus le changement de pouvoir quel qu'il soit qui les intéresse.
C'est pas les élites académiques et insurrectionnelles qui seront les plus touchés par des dérives autoritaristes quelles que soit le bord vers lequel ça penchera, si ce mouvement aboutit à quelque chose. Bon en plus globalement dans cette mouvance, toute blessure ou mort pouvant servir à attiser le feu insurectionnell est limite une bonne chose, y a vraiment des tendances au sein de l'EG qui s'en battent les steaks des vies perdues ou mutilées et franchement ça en dit beaucoup sur le futur qu'ils et elles souhaitent construire...
Je pense quelque part on est tou-tes tombé-es dans le piège insurrectionnel avec le riot porn et les différents mouvements insurrectionnels qui ont précédé et qui ont certainement servi de déclencheur à celui qu'il y a maintenant et peut-être ceux qui viendront. Parce que quelque part on est plus calé-es sur le déroulé d'une manif, les gestes de survie, la résistance face aux flics, que sur tout le reste qui manque cruellement à ce mouvement, mais aussi dans une moindre mesure à nos mouvements, genre la démocratie interne.
Parce que ok, on a des pratiques globalement plus démocratiques que le reste du spectre politique mais c'est pas du tout satisfaisant en vrai. Combien d'abus, de prise de pouvoir, de dynamiques de groupe, raciste, patriarcale, etc. En vrai on pallie aux urgences et on ferme bien sagement les yeux sur tellement de choses. C'est pas étonnant quelque part aussi que le mouvement des gilets jaunes se soit d'abord constitué à l'encontre de toutes formes d'organisation politique, y compris syndicales, y compris d'extrême gauche, y compris libertaires.
Y a certes un rejet qui vient du peu de formation politique mais je pense pas qu'il y ait que ça. Combien de personnes ont pu côtoyer des organisations politiques, autonomes ou syndicales et être dégoutées des pratiques rencontrées derrière les grandes aspirations, derrière la fausse bienveillance, derrière des pratiques démocratiques qui cachent mal la mise en avant de telle ou telle autre personnalité qui a un capital et une aisance sociale plus développée et qui mène à des pratiques autoritaires, de tel groupe affinitaire dont les connivences entrainent des mises à l'écarts racistes, homophobes, misogyne, des silences sur les viols et sur des maltraitances diverses, etc...
Aussi, y a une telle propension dans nos groupes à se tirer dans les pattes et à se croire les meilleur-es face à la *concurrence*, forcément risible, débile, en-dessus de tt, alors qu'on est même pas capables de regarder en face ttes les fautes qu'on commet, ni de s'en excuser.
Comment on peut ne pas être dégouté-es de tout ça quelque part? Je dis pas ça pour que celles et ceux qui en ont encore la force arrêtent de lutter, mais voilà faut ptêt se rendre à la réalité qu'il y a pas de groupes politiques, même anti-autoritaire, antiraciste, antipatriarcal qui puisse vraiment se targuer d'être au dessus de tout, ou de valoir mieux que les gilets jaunes dans leur ensemble. Fin ça me semble plus compliqué que ça. Plus désespérant aussi, sans doute. Donc comment on fait la révolution avec tout ça sur les bras, tous ces passifs?
Y a les groupes qui veulent guider les gilets jaunes vers de meilleures pratiques, mais finalement je trouve ça un peu présompteux quelque part, fin la position des sachant politiques guidant le peuple ignare, c'est gênant quand même.
Le moindre mal sans doute pour le moment c'est pour les minorités de se réapproprier le mouvement et de constituer des fronts anti-autoritaires, antiracistes, antipatriarcal, un peu comme ce qui a été fait avec la convergence du collectif vérité pour Adama et les cheminots?
ça permet d'exister et de faire valoir des revendications sans courir après un mouvement qui en l'état ne peut pas être sur les mêmes bases que notre groupe au sens assez large. Mais je pense pas qu'on puisse faire grand chose de plus face à une majorité qui nous trahira. Elle nous trahira parce qu'on passe notre temps à le faire entre nous de toutes façons. Je pense les autres trucs importants qui ont été fait c'est d'y aller quand même pour celleux qui ont le courage, pour protéger les minorités qui se font agresser pendant le mouvement, je pense c'est super important qu'il yait des gens qui soient là dans ces moments là. Faut y être pour virer l'ED, et aussi pour soigner les blessé-es. Et ptêt convaincre des gens aussi du bien fondé de nos luttes, même si en vrai elles sont dans un sale état et je sais pas vous, mais je trouve c'est ptêt un peu trop tard pour convaincre, ce genre de moments? Donc voilà comment on peut préparer / lancer une révolution qui soit libertaire, antiraciste et antipatriarcale, comment les minorités peuvent remporter la lutte de toutes les classes sans créer de nouvelles élites et de nouvelles bourgeoisies, quand on est pas fichus de le faire exister dans nos groupes et quand de toutes façons les stuctures sociales font qu'on restera toujours minoritaires?? Y avait quelqu'un qui citait Gramsci y a pas longtemps et je trouvais ça super intéressant et frustrant parce que je pense quand il parlait d'hégémonie culturelle des classes dominantes, il remettait pas en cause celle de l'état et celle du pouvoir.
Alors que évidemment pour un anarchiste comme moi le souci, il est là. On est complètement englués dans la course à des tas de formes de pouvoir, sur twitter, au travail, dans les cercles amicaux politiques, qui font que c'est dur de s'organiser sur un pied d'égalité. Et c'est dur de convaincre de renoncer à cela quand on y renonce pas ds nos pratiques.
Après y a la dernière solution, aller se faire sa propre ZAD avec des potes dans un coin de région paumée, en vrai ça peut marcher mais ça fait pas trop avancer la collectivité, à part d'un point de vue expérimental ptêt.
Bon j'ai bavassé n'importe quoi désolé, je suis en boucle là-dessus depuis tout ce temps dtf, j'ai sans doute dit des choses que tout le monde sait déjà mais y a que moi qui bloque parce que je suis bête. Faites attention à vous demain, et prenez soin des gens autour de vous. »