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« Il y a 50 ans, Bourdieu travaillait (avec JC Chamboredon) sur la sociologie de l'éducation, juste après mai-68. C'est une période où se multiplient les sondages sur le système d'enseignement, alors en pleine réforme. Or donc, que constate Bourdieu ? Que les questions posées présupposent 3 choses : que tout le monde a une opinion, que toutes les opinions se valent, et qu'il y a un consensus sur les problèmes.
Ce sont ces trois postulats que discute Bourdieu, et pas – il le mentionne rapidement – les critiques techniques sur la taille des échantillons ou leur constitution.
Un sondage, c'est un ensemble de questions posées à des gens qui se ne les sont peut-être jamais posées, qui ne sont pas disposés à y répondre comme le sondage le souhaiterait, et qui ne se reconnaissent peut-être même pas la compétence pour le faire.
Pourquoi fait-on cela ? Parce qu'il y a une demande : avoir l'opinion publique de son côté, pour un gouvernement, c'est être plus légitime. Et c'est en transformant la sommation d'opinions individuelles exprimées dans un sondage, en une « opinion publique » unie et explicite, que l'on peut faire exister un problème politique (pensez aux gens à qui l'on a demandé « êtes-vous favorable à la chloroquine » : c'est un moyen de faire entrer ce sujet dans le champ politique).
Reprenons les 3 points mentionnés par Bourdieu. 1. Tout le monde a une opinion. Vraiment ? Un étudiant encarté dans un parti de gauche saura distinguer des tas de nuances entre partis qu'un cadre moyen non militant ne distinguera pas. Et + généralement, la « compétence politique », dit Bourdieu, varie en fonction du niveau scolaire. Est-ce à dire que les + diplômés sont les + perspicaces, ou intelligents ? Non, ici la compétence est la capacité à exprimer des opinions elles-mêmes conformes à ce qu'on attend dans le champ politique. Ça fonctionne de la même manière qu'en esthétique, dit Bourdieu : avant de dire si l'on trouve une œuvre d'art belle, il faut savoir la reconnaître et la traiter comme œuvre d'art, c'est-à-dire exprimer un jugement formel (qui est la marque du goût distingué, celui des classes dominantes). Si vous savez non seulement reconnaître un Picasso, mais dire de quelle période du maître il s'agit, et commenter l'agencement des couleurs, vous faites preuve d'une compétence esthétique telle que la réclame le champ artistique. Idem en politique : les classes sup ont davantage l'habitude d'exprimer en des termes conformes au fonctionnement du champ politique, des jugements sur la politique.
Bien sûr des membres des classes pop sont très dotés en compétence politique : ceux qui militent dans un parti par exemple. Mais on voit que se prononcer sur une question politique (dans un sondage) en fonction de sa compétence politique, c'est très inégalement réparti. Que se passe-t-il lorsque l'on ne mobilise pas cette compétence ? On en vient au 2e point : toutes les opinions ne se valent pas. Ou plutôt : toutes les opinions ne sont pas produites de la même manière.
On répond à un sondage en fonction de dispositions étroitement liées à sa position de classe. Ainsi les personnes les + diplômées considèrent-elles les punitions à l'école comme une question politique, alors que les classes populaires y voient une question de morale, et répondent à un sondage sur ce point en fonction de leur morale de classe. Les principes qui guident l'expression des opinions sont donc hétérogènes les uns aux autres, ici.
Cela permet au passage de corriger une conclusion de la sociologie politique déjà ancienne à l'époque : les classes populaires seraient conservatrices par nature. En matière de morale privée et domestique, sans doute, dit Bourdieu.
Donc, lorsque l'on pose des questions qui sont, pour les classes pop, des questions de morale, on aura des réponses sur ce plan (hostilité aux nouvelles formes de pédagogie par exemple). En revanche, en ce qui concerne « la conservation ou la transformation de l'ordre social », alors les réponses des classes pop seront plus favorables à la novation que celles des classes sup, qui ont moins intérêt que les premières au changement. Confondre les principes proprement politiques et les principes éthiques de jugement sous l'étiquette « conservatisme » ou « progressisme » ne permet pas de comprendre cela.
3e point : il y a un consensus sur les problèmes, les questions des sondages ne sortent pas de nulle part. Bourdieu répond que la problématique dominante est celle que se posent les dominants : ceux « qui détiennent le pouvoir et entendent être informés sur les moyens d'organiser leur action politique, [qui] est très inégalement maîtrisée par les différentes classes sociales. Et, chose importante, celles-ci sont + ou – aptes à produire une contre-problématique. »
L'enquête par sondage s'imagine des répondant.e.s qui se prononceraient comme s'ils étaient dans un isoloir, seuls, en secret. Or dans la réalité, on *prend* des positions qui pré-existent, ou parfois, on ne les connaît même pas.
Il y a donc des « effets d'imposition de problématique » dans les sondages. Ça rappelle ce vieux pardoxe de psychologie sociale (je le mentionne, ce n'est pas dans Bourdieu) : si je vous enjoins de ne pas penser à un éléphant, maintenant, tout de suite, à quoi pensez-vous ?
(Bah oui, à un éléphant).
Concluons : « On a d'autant plus d'opinions sur un problème que l'on est + intéressé par ce problème, c'est-à-dire que l'on a plus intérêt à ce problème. » (je vous ai déjà dit que Bourdieu a le sens de la formule?)
Donc, l'opinion qui s'affirme « spontanément », c'est « l'opinion des gens dont l'opinion a du poids, comme on dit. » Et un sondage enregistre les prises de position connexes à celle-ci, en fonction de principes de production des opinions qui peuvent n'avoir rien à voir.
L'agrégation de toutes ces réponses produit dont un *artefact*, qui peut conduire à dire que « 60% des Français sont favorables à X ou Y », mais qui ne constitue en rien une « opinion publique ». Celle-ci, au sens strict, n'existe pas.
Le texte de l'exposé de Bourdieu se trouve dans le recueil Questions de sociologie, que tou.te.s les étudiant.e.s en sciences sociales devraient au moins feuilleter un jour. Et sinon, il est en ligne : http://www.homme-moderne.org/societe/socio/bourdieu/questions/opinionpub.html
Erratum sur le tweet #2 : il s'agit de Jean-Claude Passeron et non Jean-Claude Chamboredon (eh oui à l'époque il y avait beaucoup de Jeà-Claude). My bad. »
(via Riff)
Ce sont ces trois postulats que discute Bourdieu, et pas – il le mentionne rapidement – les critiques techniques sur la taille des échantillons ou leur constitution.
Un sondage, c'est un ensemble de questions posées à des gens qui se ne les sont peut-être jamais posées, qui ne sont pas disposés à y répondre comme le sondage le souhaiterait, et qui ne se reconnaissent peut-être même pas la compétence pour le faire.
Pourquoi fait-on cela ? Parce qu'il y a une demande : avoir l'opinion publique de son côté, pour un gouvernement, c'est être plus légitime. Et c'est en transformant la sommation d'opinions individuelles exprimées dans un sondage, en une « opinion publique » unie et explicite, que l'on peut faire exister un problème politique (pensez aux gens à qui l'on a demandé « êtes-vous favorable à la chloroquine » : c'est un moyen de faire entrer ce sujet dans le champ politique).
Reprenons les 3 points mentionnés par Bourdieu. 1. Tout le monde a une opinion. Vraiment ? Un étudiant encarté dans un parti de gauche saura distinguer des tas de nuances entre partis qu'un cadre moyen non militant ne distinguera pas. Et + généralement, la « compétence politique », dit Bourdieu, varie en fonction du niveau scolaire. Est-ce à dire que les + diplômés sont les + perspicaces, ou intelligents ? Non, ici la compétence est la capacité à exprimer des opinions elles-mêmes conformes à ce qu'on attend dans le champ politique. Ça fonctionne de la même manière qu'en esthétique, dit Bourdieu : avant de dire si l'on trouve une œuvre d'art belle, il faut savoir la reconnaître et la traiter comme œuvre d'art, c'est-à-dire exprimer un jugement formel (qui est la marque du goût distingué, celui des classes dominantes). Si vous savez non seulement reconnaître un Picasso, mais dire de quelle période du maître il s'agit, et commenter l'agencement des couleurs, vous faites preuve d'une compétence esthétique telle que la réclame le champ artistique. Idem en politique : les classes sup ont davantage l'habitude d'exprimer en des termes conformes au fonctionnement du champ politique, des jugements sur la politique.
Bien sûr des membres des classes pop sont très dotés en compétence politique : ceux qui militent dans un parti par exemple. Mais on voit que se prononcer sur une question politique (dans un sondage) en fonction de sa compétence politique, c'est très inégalement réparti. Que se passe-t-il lorsque l'on ne mobilise pas cette compétence ? On en vient au 2e point : toutes les opinions ne se valent pas. Ou plutôt : toutes les opinions ne sont pas produites de la même manière.
On répond à un sondage en fonction de dispositions étroitement liées à sa position de classe. Ainsi les personnes les + diplômées considèrent-elles les punitions à l'école comme une question politique, alors que les classes populaires y voient une question de morale, et répondent à un sondage sur ce point en fonction de leur morale de classe. Les principes qui guident l'expression des opinions sont donc hétérogènes les uns aux autres, ici.
Cela permet au passage de corriger une conclusion de la sociologie politique déjà ancienne à l'époque : les classes populaires seraient conservatrices par nature. En matière de morale privée et domestique, sans doute, dit Bourdieu.
Donc, lorsque l'on pose des questions qui sont, pour les classes pop, des questions de morale, on aura des réponses sur ce plan (hostilité aux nouvelles formes de pédagogie par exemple). En revanche, en ce qui concerne « la conservation ou la transformation de l'ordre social », alors les réponses des classes pop seront plus favorables à la novation que celles des classes sup, qui ont moins intérêt que les premières au changement. Confondre les principes proprement politiques et les principes éthiques de jugement sous l'étiquette « conservatisme » ou « progressisme » ne permet pas de comprendre cela.
3e point : il y a un consensus sur les problèmes, les questions des sondages ne sortent pas de nulle part. Bourdieu répond que la problématique dominante est celle que se posent les dominants : ceux « qui détiennent le pouvoir et entendent être informés sur les moyens d'organiser leur action politique, [qui] est très inégalement maîtrisée par les différentes classes sociales. Et, chose importante, celles-ci sont + ou – aptes à produire une contre-problématique. »
L'enquête par sondage s'imagine des répondant.e.s qui se prononceraient comme s'ils étaient dans un isoloir, seuls, en secret. Or dans la réalité, on *prend* des positions qui pré-existent, ou parfois, on ne les connaît même pas.
Il y a donc des « effets d'imposition de problématique » dans les sondages. Ça rappelle ce vieux pardoxe de psychologie sociale (je le mentionne, ce n'est pas dans Bourdieu) : si je vous enjoins de ne pas penser à un éléphant, maintenant, tout de suite, à quoi pensez-vous ?
(Bah oui, à un éléphant).
Concluons : « On a d'autant plus d'opinions sur un problème que l'on est + intéressé par ce problème, c'est-à-dire que l'on a plus intérêt à ce problème. » (je vous ai déjà dit que Bourdieu a le sens de la formule?)
Donc, l'opinion qui s'affirme « spontanément », c'est « l'opinion des gens dont l'opinion a du poids, comme on dit. » Et un sondage enregistre les prises de position connexes à celle-ci, en fonction de principes de production des opinions qui peuvent n'avoir rien à voir.
L'agrégation de toutes ces réponses produit dont un *artefact*, qui peut conduire à dire que « 60% des Français sont favorables à X ou Y », mais qui ne constitue en rien une « opinion publique ». Celle-ci, au sens strict, n'existe pas.
Le texte de l'exposé de Bourdieu se trouve dans le recueil Questions de sociologie, que tou.te.s les étudiant.e.s en sciences sociales devraient au moins feuilleter un jour. Et sinon, il est en ligne : http://www.homme-moderne.org/societe/socio/bourdieu/questions/opinionpub.html
Erratum sur le tweet #2 : il s'agit de Jean-Claude Passeron et non Jean-Claude Chamboredon (eh oui à l'époque il y avait beaucoup de Jeà-Claude). My bad. »
(via Riff)
Curieux de le tester du coup.
Et en attente d'une potentielle sortie sur Linux (cf https://steamcommunity.com/app/746850/discussions/0/1751232561615662374/ ), les premiers rapports pour Proton ont l'air assez encourageant https://www.protondb.com/app/746850
Et en attente d'une potentielle sortie sur Linux (cf https://steamcommunity.com/app/746850/discussions/0/1751232561615662374/ ), les premiers rapports pour Proton ont l'air assez encourageant https://www.protondb.com/app/746850
<3
J'ai pas trop trop pris le temps d'écouter leur dernier album, mais j'avais beaucoup apprécié du premier. https://messa666.bandcamp.com/
Ya l'air d'avoir un sax maintenant, me souviens plus si y en avait déjà sur leur premier
Ya l'air d'avoir un sax maintenant, me souviens plus si y en avait déjà sur leur premier
« D'abord, parce que la liste officielle des paradis fiscaux de la France ne comprend pas… les paradis fiscaux où sont installées les entreprises européennes (Pays-Bas, Luxembourg notamment)
Pour mémoire, la liste noire d'Etats et territoires non coopératifs en matière fiscale contient exclusivement : Anguilla, les Bahamas, Fidji, Guam, les Iles Vierges 🇺🇸, les Iles Vierges 🇬🇧, Oman, Panama, les Samoa 🇺🇸, les Samoa, les Seychelles, Trinité-et-Tobago et Vanuatu
Ensuite parce que s'attaquer aux entreprises qui ont «une filiale sans activité économique réelle dans un paradis fiscal», c'est totalement improductif.
Avoir une telle société (et déclarer dans le paradis fiscal ses bénéfices) est de la fraude fiscale.
Les entreprises qui s'installent dans un paradis fiscal y placent donc de la «substance» (quelques salariés, un bureau) pour faire croire qu'il y a de l'activité. Cf mon enquête au Luxembourg sur ce sujet. https://lesjours.fr/obsessions/la-grande-evasion/ep10-cabane-luxembourg/
Il faut alors une enquête très longue du fisc pour démontrer qu'il y a fraude.
L'Etat français ne va pas conditionner son aide à une telle enquête. A la rigueur, il pourrait exclure les quelques entreprises qui ont déjà été redressées ou condamnées (mais depuis quand?) voire demander à une entreprise de rembourser l'aide à l'issue d'une incertaine procédure judiciaire (genre dans dix ans). Bref, très improbable.
Donc, tout cela est de la menace en l'air. Comme de conditionner l'aide publique à la non-distribution de dividendes… »
Pour le coup, aucune idée si l'annonce récente du Danemark est aussi un effet d'annonce (cf https://links.nekoblog.org/?eYuiSA )
Pour mémoire, la liste noire d'Etats et territoires non coopératifs en matière fiscale contient exclusivement : Anguilla, les Bahamas, Fidji, Guam, les Iles Vierges 🇺🇸, les Iles Vierges 🇬🇧, Oman, Panama, les Samoa 🇺🇸, les Samoa, les Seychelles, Trinité-et-Tobago et Vanuatu
Ensuite parce que s'attaquer aux entreprises qui ont «une filiale sans activité économique réelle dans un paradis fiscal», c'est totalement improductif.
Avoir une telle société (et déclarer dans le paradis fiscal ses bénéfices) est de la fraude fiscale.
Les entreprises qui s'installent dans un paradis fiscal y placent donc de la «substance» (quelques salariés, un bureau) pour faire croire qu'il y a de l'activité. Cf mon enquête au Luxembourg sur ce sujet. https://lesjours.fr/obsessions/la-grande-evasion/ep10-cabane-luxembourg/
Il faut alors une enquête très longue du fisc pour démontrer qu'il y a fraude.
L'Etat français ne va pas conditionner son aide à une telle enquête. A la rigueur, il pourrait exclure les quelques entreprises qui ont déjà été redressées ou condamnées (mais depuis quand?) voire demander à une entreprise de rembourser l'aide à l'issue d'une incertaine procédure judiciaire (genre dans dix ans). Bref, très improbable.
Donc, tout cela est de la menace en l'air. Comme de conditionner l'aide publique à la non-distribution de dividendes… »
Pour le coup, aucune idée si l'annonce récente du Danemark est aussi un effet d'annonce (cf https://links.nekoblog.org/?eYuiSA )
J'aurais pas dit ça comme ça, mais ok
« Replacing capitalism would mean replacing the market of commodity production, with a cooperative system where workers would have free access to the means of production, and free access to the goods and services we collectively produce.
Now, obviously this can't be done overnight, since like I said, people don't understand this concept, and because most people can't fathom a world without money or individuals privately owning production - but it should be the goal.
How to get there? Real talk with coworkers. »
Now, obviously this can't be done overnight, since like I said, people don't understand this concept, and because most people can't fathom a world without money or individuals privately owning production - but it should be the goal.
How to get there? Real talk with coworkers. »